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HOP POP HOP : ORLÉANS SE TRANSFORME EN TEMPLE DE LA NOISE

today19 septembre 2025 137

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Le festival orléanais Hop Pop Hop célèbre sa dixième édition en restant fidèle à ses valeurs fondatrices : offrir une vitrine aux talents émergents et bousculer les codes établis. Sous l’impulsion de Matthieu Duffaud (programmation) et Frédéric Robbe (direction), l’événement cultive depuis ses débuts une philosophie anti-conformiste, loin des logiques commerciales dominantes. Cette approche singulière constitue l’essence même du rendez-vous : mélanger artistes établis et révélations inédites, créant un écosystème propice aux découvertes musicales. L’exemple de Squid, qui avait effectué ses premiers pas français sur ces scènes avant de conquérir les grands festivals, illustre parfaitement cette capacité de détection.

Un écrin patrimonial au service de la création contemporaine

Le génie du festival réside dans son implantation urbaine : cinq espaces scéniques répartis dans quatre lieux emblématiques du centre historique. Cette configuration hybride marie habilement installations temporaires en plein air et sites culturels patrimoniaux. L’Institut, élégante salle romantique du XIXe siècle, accueille les propositions intimistes dans sa configuration assise. Le Campo Santo, vaste cloître verdoyant bordé d’arcades près de la cathédrale Sainte-Croix, offre un cadre grandiose aux performances extérieures. Le Théâtre et le CNNO complètent ce dispositif architectural éclectique.En ce samedi matin, le centre-ville semble assoupi, seules les vibrations lointaines des balances trahissent l’imminence de l’événement. Les rares passants échangent des regards complices : la tribu musicale se reconnaît. L’équipe organisatrice, forte de quatorze membres, s’affaire discrètement pour accueillir un public fidèle qui, après l’engouement post-Covid de 2022, maintient sa ferveur malgré un léger fléchissement l’année précédente.

Les scènes Micro Campo et Macro Santo se font face quand débute l’après-midi avec Ditter, trio français de post-punk électronique survitaminé. Le mélange d’Orléanais fiers de leur territoire et de Parisiens en escapade crée une atmosphère décontractée, rapidement mise à l’épreuve par les caprices météorologiques. La bruine matinale cède place à des averses plus franches, testant la détermination du public. Heureusement, une accalmie providentielle à seize heures permet au groupe de lancer son set dans de bonnes conditions, avant que les trombes ne reprennent vers dix-huit heures. Dans cette ambiance de « vieux festival à l’ancienne », la foule dessine un portrait sociologique savoureux. Les quadragénaires branchés dominent avec leurs jeans 3/4, rangers usées et vestes ornées de pins engagés. Les slogans politiques fusent, créant une atmosphère revendicative assumée. Une spectatrice en bottes orange fluo rivalise d’excentricité avec le plot de signalisation reconverti en pupitre. Adolescents en baggy côtoient familles avec enfants stoïques, casque sur les oreilles, composant un tableau humain bigarré dans la gadoue naissante.

Voyage musical entre tradition nippone et modernité

La surprise vient du concert de Mitsune, qui transpose l’art traditionnel japonais dans l’univers festivalier. Chants en japonais, percussions résonnant contre les murs cathédraliques et contrebasse électrique digne de Mad Max créent un spectacle hypnotique. Les tenues excentriques du groupe rivalisent avec leur musique, transformant Orléans en terrain d’expérimentation psychédélique. L’apothéose arrive avec l’accompagnement imprévu du carillon des cloches, sublimant cette rencontre improbable entre Orient mystique et Occident urbain. La soirée enchaîne les propositions radicales : Tukan, Lionstorm, The 113, Deadletter et Jasmine Not Jafar se succèdent entre Théâtre et Macro Santo/Micro Campo. Punk authentique, électro-jazz débridé, noise expérimental et trap hypersexuelle composent un cocktail sonore explosif. « Feel fucking free, this is rebellion » lance Lionstorm aux irréductibles restés jusqu’au bout, résumant l’esprit libertaire qui traverse cette nuit orléanaise.

Le final revient à Jasmine Not Jafar, qui transforme la salle historique en club underground. Leur maîtrise des machines électroniques propulse l’assemblée dans un voyage techno-acid frôlant le gabber. Les morceaux à 140 BPM alternent avec des compositions déstructurées et hypnotiques. Cette métamorphose scénique illustre parfaitement la philosophie du festival : transcender les cadres établis pour créer des expériences totales, où l’artistique prime sur le commercial. Au petit matin, quelques gobelets réutilisables de l’Astrolabe jonchent discrètement les rebords urbains, ultimes témoins d’une soirée réussie. Hop Pop Hop confirme sa capacité unique à révéler des talents inconnus qui deviendront peut-être les références de demain. Cette alchimie entre découverte musicale, patrimoine architectural et énergie collective forge l’identité d’un événement qui refuse les facilités pour mieux célébrer l’audace créatrice.

Écrit par: Loic Couatarmanach

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